Le questionnement proposé pour le Banquet du livre d’été 2010 s’inscrit dans le prolongement du Banquet du livre 2009, où a été engagée une interrogation sur la « vision politique du monde ».
La politique moderne, depuis la décision de Platon, repose sur l’expression de la « volonté générale » qui est toute-puissante. Le problème est que la masse est « aveugle » et qu’un législateur, occupant seul une place singulière, doit en être l’intelligence. Dès lors, si la Loi, expression de la volonté générale, résulte du « débat collectif », du dialogue de la cité, ne devient-elle pas pour finir l’expression arbitraire d’un Un qui vaut pour le collectif ? Et la multiplicité des Chaque-Un se trouve ainsi réduite au pouvoir de l’Un. Seulement, ce mouvement englobant du Tout bute toujours sur l’irréductibilité de chaque un singulier. L’invention, dans les villes à la fin du Moyen Âge, de la différenciation entre un espace public – lieu du dialogue et de la recherche de l’accord de tous – et un espace privé – lieu protégé de l’intériorité du sujet où s’entretient la possibilité d’un rapport à l’infini – est essentielle. L’État moderne a donc pu se concevoir comme protégeant l’espace du chaque-un. Mais cette perspective ne risque-t-elle pas d’être désormais recouverte, à l’heure où l’on assiste d’une part à ce qui ressemble à un brouillage du privé et du public et d’autre part, à la gestion politique des grands nombres ?
 Peut-on penser « un gouvernement pastoral » qui ne soit pas articulé à la raison d’État pour produire une société du contrôle généralisé des corps et donc des consciences, mais crée les conditions favorables à la liberté du chaque-un ?